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Docteur Émile Louédin :

« Des engagements de “mai 68”… à la vie missionnaire »

Docteur Emile Louédin
l
20 décembre 2021

France

Emile Louédin

« La période de Mai 68, qui a tant marqué notre société, a influencé profondément toute une partie de ma vie. Pour moi, qui étais alors jeune médecin, et catholique engagé, il s’agissait d’abord d’un combat pour la justice sociale. Nous voulions partir, à quelques amis au Honduras, en Amérique centrale, pour y mener une action de développement… »

Ainsi commence le témoignage du docteur Émile Louédin paru dans le              Document « Expériences » n° 168. Ce témoignage nous fait découvrir le parcours d’un frère en Christ, qui a rejoint le Centre Missionnaire et partage la vocation de cette œuvre, après avoir été un militant soixante-huitard en quête d’un sens pour sa vie. (Témoignage repris des journaux « Documents « Expériences » » et « Regard d’Espérance » avec la fraternelle autorisation du pasteur Yvon Charles, que nous remercions vivement !)

Ma vie n’aurait un sens que si je m’ouvrais aux autres :

« Ma pensée en Mai 68, quand je terminais mes études, était de donner un sens à ma vie : je ne voulais pas me contenter de vivre – comme nous le disions à l’époque entre nous – une «vie bourgeoise» ; avoir comme but de travailler pour gagner de l’argent… Je voulais mener ce que j’appelais une vraie vie !

Nous étions donc dans un esprit tiers-mondiste et avions entendu parler de la situation au Honduras par l’un d’entre nous, qui avait contact avec quelqu’un là-bas… Notre petit groupe comprenait médecin, sage-femme, enseignant, agronome… Et nous voulions mettre sur pied une action de développement, en créant une sorte de petite «communauté» pour aider le plus possible les gens de la région, et dans notre esprit, en symbiose avec ceux qui menaient là-bas le combat le plus radical, révolutionnaire.

L’un d’entre nous s’est rendu au Honduras, et cela aurait pu se concrétiser… même s’il y avait une part d’utopie. Un membre de notre groupe a par la suite travaillé au Honduras dans le cadre de la coopération, mais ce projet commun n’a pas abouti bien qu’ayant été l’aspiration forte de plusieurs d’entre nous.

Dans ce même temps, avec ce petit groupe d’amis d’une paroisse catholique de Rennes, nous avions mis sur pied un petit dispensaire sur un terrain qui accueillait des nomades et quelques «clochards». Nous y allions régulièrement et étions très bien accueillis par ces gens que nous soignions gratuitement… Nous voulions ainsi concrétiser notre pensée, ne pas rester des théoriciens. Je me souviens, avec une certaine émotion, que mon professeur de médecine, le Pr Bourel – grand scientifique, membre de l’Académie de médecine, mais homme de grande discrétion – nous donnait de temps en temps des médicaments pour les personnes que nous soignions sur ce terrain…

J’ai failli m’engager au Parti Socialiste Unifié (P.S.U)

Mon chemin a ensuite bifurqué. Il aurait pu prendre diverses directions pour matérialiser cet idéal. J’ai failli, par exemple, m’engager dans une voie très politique, au P.S.U., parti à l’époque révolutionnaire…

«Mai 68» a d’abord été pour moi une ouverture aux autres, la réalisation de ce qu’il y avait une autre dimension dans la vie, et que ma vie n’aurait un sens que si je m’ouvrais aux autres… C’est ce qui a été ma motivation première dans ces engagements. Et cela l’a été totalement, ce qui fait que j’ai été un soixante-huitard acharné – non pas dans la veine de ce que l’on appelait «les bourgeois» (et qui en étaient) qui se sont «défoulés», ont amené une déliquescence morale épouvantable – mais dans une veine sociale, de recherche de justice…

C’est pourquoi, j’ai été de ceux qui ont continué le combat quand d’autres, l’été venu, après les événements de Mai 68, sont partis en vacances ici et là… Nous voulions essayer de relancer ce que nous appelions «l’esprit de Mai 68», qui n’était finalement pas l’esprit de Mai 68, mais un esprit de justice, sociale et autre.»

Ce que je recherchais depuis longtemps 

J’avais une véritable recherche spirituelle

En travaillant l’été à Paris pour financer mes études, j’ai rencontré celle qui est devenue ensuite ma femme : elle m’a parlé de sa conversion à Jésus-Christ. J’avais une véritable recherche spirituelle. En lisant le Document « Expériences » numéro 2 de 1971, consacré au réveil charismatique chez les catholiques, ainsi que le livre de John Sherill «Ils parlent en d’autres langues », j’ai bientôt découvert l’existence, tout à fait biblique, des dons spirituels (1ère Épître aux Corinthiens, ch 12), et combien Dieu est proche pour ceux qui le cherchent. J’allais bientôt expérimenter moi-même, d’une manière précise et très directe, ces réalités. 

Venu travailler en tant que médecin en Bretagne, j’ai trouvé, dans la suite du temps, au Centre Missionnaire, ce à quoi, en fait, j’aspirais depuis longtemps. J’avais souvent pensé à ce texte du livre des Actes (chapitre 4 verset 32) : « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais tout était commun entre eux. Avec une grande puissance les apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus. Et une grande grâce reposait sur eux tous… ». 

J’ai découvert, avec émerveillement, que dans cette « station missionnaire », on voulait vivre l’Évangile et témoigner dans cet esprit-là. Certes, nous avons pleinement conscience d’être « en marche », mais c’est l’essence de notre vie : je puis le redire aujourd’hui, quarante ans plus tard. 

Le socialisme Vous le vivez !

Un des aspects qui m’a le plus touché est la réalité authentiquement vécue de la communion fraternelle.  Lorsque quelqu’un connait des difficultés, il y a l’aide effective, la présence chaleureuse, la prière des autres. C’est un privilège inestimable. Des choses que l’on ne doit jamais oublier ! Bien des personnes de notre région perçoivent cela.

Ainsi, un des principaux responsables du parti communiste de notre ville nous a dit, il y a quelques années: « Le socialisme, nous, nous disons que nous le ferons… vous, vous le vivez déjà. » Nous ne vivons pas pour autant en cercle fermé. Nous accueillons aussi bien le vagabond de passage, que toutes sortes d’autres personnes ayant besoin d’être écoutées, aidées.

Quand Dieu intervient

Dieu peut nous délivrer d’une épreuve « par le haut »

J’ai également été frappé par une autre réalité très importante dans la marche de cette œuvre, celle des authentiques ministères, dont il est question dans l’épitre aux Éphésiens, au chapitre 4.  On pourrait en souligner beaucoup d’aspects, à commencer, comme nous le disent souvent ceux qui viennent aux retraites spirituelles, la « force » des prédications qui « parlent profondément au cœur ». 

Mais je voudrais simplement mentionner quelques faits, parmi bien d’autres, que j’ai vécus plus personnellement :

Il y a plusieurs années, une personne est venue me poser une question pratique, très délicate. C’était un vrai problème humain. Si je me trompais, ce ne serait pas sans conséquence pour mon interlocuteur. Me sentant dépassé, j’ai fait monter vers Dieu une prière instante, en lui demandant de m’éclairer. Quelques moments après, mon téléphone s’est mis à sonner. Je suis parti à l’écart pour répondre : un frère pasteur m’appelait (fait ô combien exceptionnel) parce qu’il avait eu à cœur de le faire. Il m’a demandé : « As-tu un problème ? » C’était bien le cas. Les conseils reçus, en quelques mots, m’ont permis d’apporter à cette personne la réponse dont elle avait besoin. Et les problèmes posés ont pu ensuite s’arranger. 

 J’ai ainsi expérimenté, dans des moments parfois très difficiles, que Dieu peut nous délivrer d’une épreuve « par le haut », comme cela est évoqué dans le psaume 40. 

Le médecin face au miracle

Je l’ai constaté également dans le domaine de la guérison. Moi qui suis médecin, j’ai vu au Centre Missionnaire, d’authentiques miracles et de nombreuses guérisons… y compris dans ma famille. (Voir témoignage dans le « Document Expérience » n° 40 : « Étends ta main, pour qu’il se fasse des guérisons, des miracles et des prodiges, par le nom de ton saint serviteur Jésus… »)

 Mais il y a, dans l’œuvre de Dieu, des souffrances d’une tout autre nature. Quelques-uns, par exemple, rarissimes sur tant d’années, qui avaient pourtant bénéficié de notre accueil fraternel, se sont acharnés ensuite, par jalousie, à nous faire du mal. Mais cela n’a jamais empêché l’œuvre de continuer sa route et de se développer.

Pour moi, après tout ce temps écoulé, demeurent la même joie, la même reconnaissance qu’au tout début, d’avoir part au service de Dieu. Je garde le sentiment très fort que « la bonne main de Dieu », comme le disait Néhémie, « est sur nous », ainsi que sur tous ceux qui veulent lui être fidèles. (Néhémie ch.2 v.18)

LOUEDIN Emile

Médecin Généraliste à la retraite

Emile Louédin